Pour ne pas être préjudiciables au milieu naturel, les épandages de lisiers dans les champs (déjections animales issues des élevages, NDLR) doivent se faire à partir de février, voire mi-mars suivant le type d’effluent, et en lien avec une utilisation de l’azote par la culture. Le but étant d’éviter un lessivage des nitrates vers les cours d’eau, principale cause du phénomène des marées vertes. Confrontée à ce fléau, la Bretagne est classée « zone vulnérable » dans sa totalité.
Pourtant, en ce début d’année, les tonnes à lisier circulent déjà. Des pratiques interdites… Sauf dérogation du préfet ! En effet, grâce au septième programme d’action national (PAN) les préfets ont désormais la main sur le calendrier d’épandage du lisier, du fumier et des engrais minéraux. La FRSEA a obtenu des dérogations au moins dans le Morbihan et dans le Finistère.
Des décisions étonnantes dans un contexte où la lutte contre les nitrates et les marées vertes a pris une nouvelle dimension : le 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Rennes a fixé un délai de quatre mois à l’État pour renforcer la lutte contre les algues vertes en Bretagne. L’État a fait appel. C’est dans ce contexte que le préfet de Région, Philippe Gustin, a fixé le plan de vol du programme d’action régional (PAR) n°7. Un plan « peu ambitieux » et qui ne va pas au-delà du « toilettage » selon Estelle Le Guern, chargée de mission chez Eau et rivières de Bretagne, interrogée par nos confrères d’Actu environnement.
Mais pourquoi vouloir épandre avant la date réglementaire ? Face aux précipitations exceptionnelles de ces derniers mois, des fosses à lisier non-couvertes d’élevages bovins et porcins sont arrivées en limite de capacité et débordent dans le milieu naturel. « On risquerait d’aller vers des débordements de fosses et donc vers des pollutions localisées. Ce qui a un impact plus important que si on essaye d’épandre des effluents que l’on va choisir les moins chargés possibles sur des terrains relativement importants », assurait Stéphane Buron, directeur de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) du Finistère, au micro de Radio Kreiz Breizh ce 30 janvier.
Pourtant, des pollutions dues aux débordements ont bien eu lieu. En atteste, selon nos observations réalisées fin décembre, l’eau trouble de cet affluent de l’Ellé en Centre-Bretagne, rivière qui accueille 25 % de la reproduction des saumons juvéniles en Bretagne. En suivant son lit, on aperçoit un tronc couché qui retient une masse de plusieurs mètres d’écume brunâtre, puis un trop-plein de la fumière qui coule sur la zone humide en contrebas. Le tout suivra son cours jusque dans le sud pour aller se déverser au large de Groix.